Un trésor bien gardé sous nos pieds… et un ventre gigantesque pour avaler la dette ? Pas si simple. Derrière l’idée séduisante de vendre l’or stocké à Paris pour alléger les comptes publics français, la Banque de France oppose une analyse froide, précise et – spoiler – un peu déceptive quant à l’espoir d’un grand soir budgétaire aurifère. Plongée dans la Souterraine (sans pioche ni torche), là où l’or brille mais ne paie pas toutes nos factures !
La Souterraine : un coffre-fort à 20 mètres sous Paris
Imaginez, à plus de vingt mètres sous Paris, un site baptisé « la Souterraine », dont la surface rivalise avec deux terrains de football. C’est là que la France abrite ses fameuses réserves d’or – 2 436 tonnes pour être précis, selon actualites-or. Ce tas de lingots a vu sa valeur s’envoler ces dernières années : à l’été 2025, sa valorisation atteint 177 milliards d’euros, soit quasiment le double d’il y a cinq ans grâce à la flambée du métal précieux, nourrie par les tensions géopolitiques et la méfiance envers les monnaies fiduciaires.
Un chiffre qui donne le tournis… Mais à côté d’une dette publique de plus de 3 000 milliards d’euros, l’or français fait figure de pépite dans un gouffre.
Vendre l’or ? Une idée plus brillante dans la légende que dans les comptes
Faisons un rapide calcul : même si la France décidait de liquider intégralement ses lingots, cette manne couvrirait à peine 6 % de la dette nationale. Voilà qui calme les ardeurs des partisans d’une solution miracle. La Banque de France insiste : confondre la valorisation patrimoniale de l’or avec un remède budgétaire, c’est mal comprendre ce que le métal précieux peut réellement amortir.
Petit retour historique à l’appui :
- Dans les années 1990 et 2000, des États se sont déjà laissés séduire par la vente de leurs réserves à bas prix… et s’en mordent encore les doigts.
- L’or, une fois cédé, ne revient pas dans le giron national. Un vide qui pèse longtemps.
Depuis 2009, la Banque de France joue donc la carte de la stabilité et ne vend ni n’achète d’or. Ce choix délibéré vise à ne pas répondre à une pression budgétaire passagère, à ne pas arbitrer ni spéculer. L’accent est mis sur la sécurisation, la traçabilité et l’audit des lingots… Bref, de la gestion de patrimoine façon bon père de famille.
L’or, une assurance silencieuse mais stratégique
L’or, dans cette stratégie, reste discret, jouant les vigiles silencieux de l’architecture monétaire du pays. Il nourrit la crédibilité de la France aux yeux des marchés, surtout quand l’ambiance se tend et que le doute s’installe. En cas de secousse, posséder un actif universellement accepté agit un peu comme une couverture : psychologique et opérationnelle, certes, mais loin d’être anodine.
D’ailleurs, vendre massivement ce stock ferait chuter les prix… et donc le rendement de la vente ! Même une liquidation discrète étalée dans le temps ne conviendrait pas à une urgence budgétaire, et enverrait aux investisseurs des signaux de fragilité qui alourdiraient le coût du financement public à court terme.
En parallèle, l’or reste l’assurance ultime face à un choc systémique. Si jamais la confiance dans l’euro devait vaciller, la France aurait sous la main une réserve mobilisable capable de rassurer sur les marchés et auprès de l’opinion. Ce pouvoir symbolique pèse souvent plus lourd que le produit immédiat d’une cession malvenue.
Conclusion : Option prudence, ou pourquoi il faut garder l’or (et son sang froid)
Soyons clairs : l’or conserve une valeur comptable élevée, mais son utilité macroéconomique pour éponger la dette est limitée. Avec 6 % de couverture potentielle à tout casser, pas de quoi régler 100 % du problème. Préserver l’option, telle est donc la boussole stratégique : détenir l’or, c’est s’accorder une marge de manœuvre si le contexte venait à basculer, que ce soit sur la scène nationale ou internationale.
Ce débat revient immanquablement, au gré des cycles politiques et des angoisses comptables. Pourtant, pour la Banque de France, il vaut mieux regarder l’or comme une précaution que comme un ticket gagnant. En cas de tempête, il donne du temps et crédibilise l’action publique. En temps calme, il protège ce qu’il faut de flexibilité. Vendre maintenant, ce serait s’offrir peu d’air… et se priver d’un levier stratégique pour les crises de demain. Qui a dit que le trésor devait sortir de sa cave ?
