À l’ombre des vagues et sous l’œil avisé des satellites, une série de manœuvres maritimes s’opère dans le secret au large des îles Spratleys. La présence insistante des garde-côtes chinois dans cette zone, malgré les décisions internationales, pousse à s’interroger : assiste-t-on à un simple ballet naval, ou à un jeu d’échec où la transparence cède la place aux zones grises ?
La bataille juridique ignorée et la stratégie des îles artificielles
Il y a près de dix ans, en 2016, coup de tonnerre sous les tropiques : le tribunal arbitral international de La Haye dit non, la Chine ne peut pas revendiquer près de 90 % de la mer de Chine méridionale. Un grand NON majuscule, que Pékin a pourtant pris soin de glisser sous la pile des courriers indésirables.
Depuis, la Chine n’a pas ménagé ses efforts pour s’ériger (au sens propre) dans la région : ports, aérodromes, bases militaires, parfois sur des îles nouvellement créées. On s’impose, on marque le territoire et, comme on peut s’y attendre, les escarmouches se multiplient, tout comme les risques de conflits, particulièrement avec les voisins les plus proches : les Philippines notamment, pour qui les Spratleys deviennent des cailloux brûlants sous le soleil.
Une zone stratégique où la transparence n’est pas toujours au menu
Les îles Spratleys, au cœur d’une zone stratégique de première importance, ne doivent pas leur notoriété qu’à la météo idéale : on s’y arrache le pétrole, le gaz naturel, et la moindre sardine. Ajoutez à cela leur position sur des routes maritimes cruciales et vous avez tous les ingrédients d’un feuilleton géopolitique à rebondissements.
Mais ici, « les signaux coopératifs se révèlent souvent irréguliers et la visibilité est largement façonnée par des tactiques de zone grise plutôt que par une véritable transparence », observe la société bretonne Unseenlabs, spécialiste du renseignement électromagnétique. Traduit sans langue de bois : tout le monde n’a pas envie d’être vu — ou identifié.
La traque aux navires discrets : satellites bretons à la rescousse
Depuis une décennie, Unseenlabs affûte une technologie qui repère les signaux radiofréquence (RF) émis par les navires, même ceux qui n’affichent pas leur plaque — traduisez : système d’identification automatique (AIS) désactivé ou carrément absent. De quoi faire rougir les marins désireux de discrétion.
- Au cours d’une première campagne d’observation de 31 jours en mer des Philippines occidentales, 7 % des émetteurs RF identifiés naviguaient sans transmission coopérative.
- Lors d’un second passage, quelques mois plus tard et pendant 15 jours, ils étaient encore 6 % à n’avoir aucun signal AIS associé.
Ce pourcentage, constant malgré la densité du trafic, indique que certains comportements cachés sont loin d’être le fruit du hasard. Les spécialistes d’Unseenlabs l’assurent : « répéter les observations sur une même zone permet de repérer les schémas persistants de non-coopération ». Pas de doute, quand c’est visible campagne après campagne, c’est sans doute que certains jouent à cache-cache… délibérément.
Un cas concret : la persévérance d’un navire des garde-côtes chinois
Dans ce climat de tension, un « navire connu des garde-côtes chinois », opérant près des îles Spratleys très contestées, a attiré l’attention. Lors d’une de ses patrouilles, l’AIS se tait 45 minutes durant. Mais pas de bol : la technologie d’Unseenlabs ne lâche pas le morceau. Grâce aux signatures RF uniques assignées à chaque unité et à des méthodes de corrélation, impossible d’échapper au radar électromagnétique, interruptions ou routes irrégulières comprises.
Résultat : même si l’identité exacte reste confidentielle, le comportement de ce navire — entre patrouilles régulières, interruptions d’AIS et mouvements affirmant la souveraineté — incarne un mode opératoire récurrent, déjà observé autour des zones chaudes de la mer de Chine méridionale. Les sources convergent : la présence musclée des garde-côtes chinois n’a rien d’un mirage.
En guise de conclusion, on retiendra qu’entre l’échiquier diplomatique et le grand large électronique, la surveillance des activités maritimes dans les Spratleys est loin d’être transparente. Pour les voisins, mieux vaut garder un œil (ou même deux, si possible) sur ces signaux venus du large — car seule la vigilance conjuguée à la technologie permet d’espérer percer à jour les véritables intentions des protagonistes. Une chose est sûre : dans cette partie, chaque signal compte… et chaque silence intrigue.
