À quoi rêvent les légendes, quand baisse le bruit du monde ? Pour celle-ci, c’est un château où l’art s’invite depuis toujours. À 101 ans, une immense figure du cinéma s’est retirée dans un lieu hors du temps, choisissant la douceur et la création comme derniers compagnons de route. Plongée dans les secrets d’une retraite où la lumière ne s’éteint jamais vraiment.
Un siècle d’écran, un regard bleu gravé dans la lumière
Née le 22 août 1922, celle dont le regard bleu a marqué la pellicule aura traversé cent un ans de cinéma, de jeu, et de vie bien remplie. Purepeople.com le rappelle : sa trajectoire rare, faite de nuances et de mystères, lui a valu la reconnaissance suprême avec un César d’honneur en 2004. Loin des grands gestes et des postures, chaque rôle offrait un peu de son secret, installant durablement sa stature d’icône.
Quelques titres suffisent à réveiller la mémoire des cinéphiles :
- Falbalas
- Le Diable au corps
- Les Saintes Chéries
À l’écran, la subtilité dominait, installant une présence que le temps n’a pas effacée. Rien de tapageur – juste la lumière juste, fidèle à sa réputation.
Dernier acte entre art et famille
La scène s’est peuplée de nouveaux visages : sa fille, Tonie Marshall, elle-même cinéaste, devient l’un de ses derniers partenaires de création. Leur collaboration donne naissance à des films remarqués tels que « Pas très catholique » (1994), « Vénus Beauté (Institut) » (1999), suivis par « France Boutique » (2003) et « Tu veux ou tu veux pas » en 2014. Tonie, fille de Gérard William Marshall et récemment divorcée de Michèle Morgan, disparaîtra en 2020 à l’âge de 68 ans, laissant un vide discret, accompagné par la mémoire aussi fidèle qu’un générique.
Son histoire, entre écran et famille, s’est ainsi écrite sans jamais renoncer à la création comme boussole. Chaque date importe : le vendredi 22 août, anniversaire de sa naissance, prolonge ce fil discret qui relie saisons et souvenirs. Au fil du temps, chaque rituel vient calmer l’absence, donnant au crépuscule un doux parfum de continuité.
Une maison pas comme les autres : la Maison nationale des artistes
Quand sonne l’heure du choix, elle s’installe à la Maison nationale des artistes, à Nogent-sur-Marne. Pas un EHPAD comme les autres, mais un havre de calme et d’inspiration, niché dans la demeure du XVIIIe siècle de Jeanne Smith. Là, deux bâtiments dialoguent : l’un, rénové ; l’autre, créé dans l’esprit des lieux. Ensemble, les châteaux Smith-Champion, posés au cœur d’un parc à l’anglaise de dix hectares, accueillent jusqu’à 80 résidents.
Cette demeure a tout d’un manoir d’artistes :
- Une Académie de peinture et de dessin bat son plein
- Des pianos sont à disposition pour ajouter de la musique à la vie
- La salle de conférences rythme les échanges et fait vibrer les murs de conversations animées
L’art ici n’est pas une tapisserie sur le mur, mais un outil quotidien, vivant et accessible. Le site, autrefois propriété de Madeleine Smith-Champion, peintre, et de sa sœur Jeanne Smith, photographe, fut légué à l’État en 1944. Leur souhait ? Que l’une des maisons devienne un refuge pour artistes et écrivains. Mission accomplie, et avec panache.
Avant de trouver refuge ici, notre héroïne vivait dans le Val-d’Oise, à Haute-Isle, village troglodytique. Un penchant pour les lieux singuliers, puisqu’on y trouve la seule église d’Île-de-France creusée dans la falaise – originale jusqu’au bout des pierres.
Quand l’art tient lieu de souffle et de boussole
La magie opère encore, grâce à une programmation éclectique où se succèdent concerts, lectures, conférences, performances et projections. Des expositions, à la fois monographiques et collectives, jalonnent l’année et redonnent vie aux œuvres des résidents. L’échange, le partage, ne sont pas vains mots : ici, la création est l’oxygène. Une manière simple de rester au travail, et de ne jamais éteindre la flamme.
Le cadre n’orne pas seulement la vie, il la soutient, l’éclaire – loin des décors figés. Les saisons, lentes, portent la mémoire, alors que parc, salles, images et musiques gardent le feu sacré.
En guise de conclusion, une évidence : entre deux châteaux, une vie s’offre un dernier rythme fait d’art, de gestes simples et d’une fidélité à la création. Il n’est pas nécessaire d’être sous les feux de la rampe pour garder la lumière juste. Et si on prenait exemple ? Peut-être suffit-il de laisser l’art habiller ses vieux jours, pour ne jamais oublier d’être vivant.
